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113 - Tonton du Bled : une odyssée visuelle et musicale entre Vitry, Marseille et le Maroc

113 - Tonton du Bled : une odyssée visuelle et musicale entre Vitry, Marseille et le Maroc

À la fin des années 1990, le rap français connaît une métamorphose. Loin des clichés américains, une nouvelle génération d’artistes impose ses propres codes, ses racines et son langage. Au cœur de cette effervescence, un morceau a marqué au fer rouge la mémoire collective : « Tonton du Bled » du groupe 113, mené notamment par Rim’K, rappeur franco-algérien originaire de Vitry-sur-Seine.

Le titre raconte, avec humour et réalisme, les vacances d’été passées en Algérie, entre valises trop lourdes, familles accueillantes et culture maghrébine sublimée. Pourtant, ironie de l’histoire, le clip iconique qui accompagne ce morceau… n’a pas été tourné en Algérie mais au Maroc. Une anecdote qui ajoute à sa légende.

Le contexte : 113 et Les Princes de la Ville

Le groupe 113 — composé de Rim’K, Mokobé et AP — naît à Vitry-sur-Seine et s’impose rapidement comme la voix des quartiers populaires franciliens. Leur premier album, Les Princes de la ville (1999), propulse le trio sur le devant de la scène :

  • Deux Victoires de la Musique en 2000 (Révélation de l’année et Album rap de l’année).

  • Des ventes impressionnantes pour l’époque, avec plusieurs centaines de milliers d’exemplaires écoulés.

  • Un héritage durable : l’album est aujourd’hui considéré comme un pilier du rap français.

« Tonton du Bled », single phare de l’album, raconte un récit universel pour de nombreux jeunes issus de l’immigration maghrébine : celui des départs d’été au pays, entre attachement identitaire et humour sur le quotidien.

Les coulisses d’un tournage épique

Le clip, réalisé par Raphaël Maingourd, a vu le jour dans des conditions rocambolesques. Dans un post récent, le cinéaste revient sur cette aventure, véritable course contre la montre :

  • Une commande express : en décembre 1999, Sony Music lui demande de livrer le clip… mi-janvier. Dix jours plus tard, les caméras tournent déjà.

  • Première étape – Marseille : un aller-retour dans la journée pour filmer le port, les ferries en partance vers le Maghreb, et les refrains avec des rappeurs locaux.

  • Cap sur le Maroc : faute de pouvoir tourner en Algérie, l’équipe s’envole pour Tanger, Essaouira et Marrakech. Aucun repérage n’avait été effectué. Chaque plan est improvisé, au gré des décors. C’est ainsi que la scène culte de Rim’K sur un vélo dans les ruelles d’Essaouira est née : pure improvisation.

  • Retour à Paris pour Noël : début janvier 2000, dernière journée de tournage. L’équipe doit trouver une Peugeot 504 break blanche identique à celle filmée au Maroc. Problème : la voiture dénichée ne roule que trois mètres… Elle sera déplacée de décor en décor à l’aide d’une dépanneuse !

  • Improvisations parisiennes : la séquence chez TATI fut la seule vraiment préparée. Pour le reste, tout se fit « à l’arrache ». La scène finale, où une quarantaine de jeunes se succèdent dans la 504 garée en plein Paris sans autorisation, illustre parfaitement cet esprit brut et spontané.

Comme le souligne Raphaël Maingourd, « ce qui semblait être un handicap — manque de temps, impréparation — s’est transformé en force. Le clip est resté brut, réel, sans artifice. »

Un symbole culturel

Le clip, tout comme la chanson, a marqué bien au-delà du rap :

  • Un hymne générationnel : la phrase d’ouverture, « Hey, tonton, les valises elles sont trop lourdes ! », est devenue culte, symbole des départs estivaux vers le Maghreb.

  • Une référence populaire : en 2000, lors des Victoires de la Musique, le 113 arrive sur scène… en Peugeot 504, clin d’œil au clip.

  • Une inspiration cinématographique : le film Il était une fois dans l’Oued (2005), écrit avec la participation de Rim’K et réalisé par Djamel Bensalah, reprend ce thème de l’aller-retour identitaire.

  • Un héritage durable : encore aujourd’hui, « Tonton du Bled » est régulièrement cité comme l’un des morceaux les plus marquants du rap français.

Entre Algérie et Maroc : une anecdote clé

L’un des paradoxes les plus marquants reste que, bien que la chanson parle explicitement des vacances de Rim’K en Algérie — son pays d’origine —, le clip a été tourné au Maroc. Une contrainte logistique (l’urgence du tournage et les difficultés à filmer en Algérie à l’époque) qui a donné naissance à une esthétique particulière.

Les paysages marocains de Tanger, Essaouira et Marrakech se sont substitués aux décors algériens… sans jamais trahir l’esprit du morceau. Au contraire, cette improvisation a renforcé l’authenticité visuelle du clip, devenant un élément de son mythe.

L’esprit « Rap’n’roll »

Ce tournage, presque entièrement improvisé, symbolise une époque où le rap français avançait sans grands moyens mais avec une énergie brute. Chaque contrainte (manque de temps, peu de budget, galères techniques) s’est transformée en créativité.
Cet esprit « Rap’n’roll » — brut, spontané, enraciné dans le réel — explique en grande partie la puissance évocatrice du clip encore aujourd’hui.

 

Plus de vingt ans après sa sortie, « Tonton du Bled » reste une œuvre fondatrice du rap français et un symbole fort de l’identité maghrébine en France. Derrière l’humour des paroles et les images à l’arrache, c’est toute une génération qui s’est reconnue dans ce récit de vacances au pays.

Et si le tournage s’est déroulé au Maroc, alors que la chanson évoque l’Algérie, cela n’a en rien diminué son authenticité : au contraire, cela a renforcé son caractère universel, celui d’un morceau devenu patrimoine culturel.

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